Effets physiologiques de la lumière : régulation du sommeil, de l'humeur et de l'énergie
Depuis l'origine des temps l'homme se lève et se couche avec le soleil. Notre horloge biologique s'est adaptée aux signaux quotidiens de la lumière et de l’obscurité : elle utilise ces repères pour réguler nos cycles de sommeil et d'énergie.
Lever et coucher du soleil
Ces cycles constituent le rythme circadien (du latin : environ un jour).
Ils régulent également notre humeur et notre énergie. Le jour, la lumière du soleil nous vivifie ; la nuit, nous sommes plus réservés et perdons notre dynamisme.
Ce processus n'est pas que psychologique : nos yeux transmettent la lumière vers une région de l'hypothalamus (une partie du cerveau) appelée le noyau suprachiasmatique (NSC), ou horloge biologique. C'est ainsi que sont sécrétées des hormones actives comme la
sérotonine
. Lorsque les yeux perçoivent l'obscurité, le cerveau sécrète des hormones nocturnes telles que la
mélatonine
, l'adénosine et les orexines.
Activation d'un interrupteur
Nous ne pouvons pas nous éveiller ou nous endormir en appuyant simplement sur un interrupteur : notre organisme ne fonctionne pas comme cela. Il nous faut du temps pour passer de l'état de veille à celui de sommeil. Nous sécrétons des hormones énergétiques actives qui doivent être éliminées et remplacées par les hormones du sommeil.
Ce processus s'enclenche lorsque nos yeux perçoivent une baisse de l'intensité lumineuse et indiquent à l'horloge biologique d'arrêter la sécrétion d'hormones actives. Cela prend du temps, ce qui explique pourquoi nous sommes généralement fatigués et avons envie de dormir naturelleent quelques heures après le coucher du soleil. Durant cette phase de transition, l'organisme commence à remplacer des hormones telles que la sérotonine par les hormones nocturnes : la mélatonine, l'adénosine et les orexines.
Le rythme circadien fluctue comme une onde en 24 heures. Des rythmes mal alignés peuvent provoquer la sécrétion par l'horloge biologique des mauvaises hormones au mauvais moment de la journée.
Dans la nature, lorsque la nuit s'estompe pour faire place à l'aube, l'horloge biologique arrête la sécrétion de mélatonine pour commencer celle de sérotonine, d'adrénaline et de cortisol.
Dans les heures qui suivent, ces sécrétions chimiques s'accumulent : nous nous éveillons alors en nous sentant alertes et revitalisés. C'est pour cette raison qu'il est plus facile de s'éveiller avec le soleil qu'avec un réveil. Le réveil court-circuite cette fonction essentielle, c'est pour cela que de nombreuses personnes ont des difficultés à se lever le matin uniquement au son du réveil.
Humeur et énergie
La découverte de notre dépendance à la lumière du soleil date du début des années 80, lorsque des chercheurs des National Institutes of Health (NIH) constatèrent que le manque de lumière provoquait des troubles de l'humeur durant l'hiver.
Les personnes étaient plus réceptives quand la lumière était plus intense, la lumière du matin était la plus efficace. Ces découvertes ont mené les scientifiques à se poser la question suivante : toutes les lumières sont-elles les mêmes ou certaines longueurs d'onde ou couleurs sont-elles importantes ?
Les chercheurs ont constaté que nous percevions la lumière à travers différents récepteurs oculaires en forme de cône et de bâtonnet et que chacun de ces récepteurs réagissait à un spectre (plage de couleurs dans la lumière) différent. Si certaines couleurs avaient une influence, ils pourraient mettre au point une
lumière plus efficace et peut-être réduire l'intensité lumineuse à des niveaux plus confortables.
En répondant à cette question, les scientifiques ont découvert que la lumière interrompait la sécrétion de mélatonine et que celle-ci donnait un bon indice de la façon dont l'organisme réagissait à la lumière. Si une longueur d'onde était meilleure qu'une autre, elle devait éliminer la mélatonine plus efficacement. Après plusieurs expériences, une équipe dirigée par le docteur George Brainard à la Thomas Jefferson University a découvert qu'une couleur spécifique de la lumière bleue (~470 nm) éliminait la mélatonine plus efficacement que les autres couleurs (les couleurs chaudes telles que le jaune, l'ambre et le rouge, n'éliminent pas la mélatonine). La lumière bleue a été baptisée par les scientifiques « spectre d'action » de la lumière en raison de son efficacité supérieure.
En 2001, le docteur Brainard et des collègues ont déterminé que le spectre d'action de la lumière était optimal entre 447 et 476 nm. Des études ultérieures ont ramené cette zone à environ 460-485 nm.
Plusieurs études confirment désormais que la lumière bleue est en grande partie responsable de la régulation de notre horloge biologique. Par exemple, des niveaux très faibles de lumière bleue provoquent une réaction équivalente ou supérieure de l'horloge biologique à des niveaux élevés de lumière blanche, malgré le fait que la lumière blanche contienne de la lumière bleue.
Le spectre d'action de la lumière se situe dans la zone bleu clair du spectre visible. Une petite portion de cette plage est nécessaire pour réguler l'horloge biologique. Mais un éclairage artificiel, comme celui des lampes fluorescentes ne diffuse que très peu de cette couleur essentielle. Étonnement, cette couleur de lumière ne correspondait à aucun récepteur en forme de bâtonnet ou de cône de l'œil. Des études ultérieures ont confirmé que les bâtonnets et les cônes n'étaient pas les premiers responsables de la régulation de l'horloge biologique. Cela a mené à l'une des plus grandes découvertes du siècle dans le domaine oculaire : si les cônes et les bâtonnets n’étaient pas responsables, il devait exister un photorécepteur encore inconnu dans l'œil.
Découverte de la mélanopsine
En 2002, David Berson de la Brown University a découvert le chaînon manquant : les cellules ganglionnaires de la rétine interne (devant les cônes et les bâtonnets) contenaient un pigment photosensible appelé mélanopsine. Ce nouveau récepteur correspondait parfaitement au spectre d'action de la lumière bleue. Puisque les scientifiques avaient identifié la mélanopsine, ils pouvaient retracer, via le tractus rétino-hypothalamique, ses projections jusqu'au NSC de l'hypothalamus et jusqu'à d'autres régions cérébrales.
Cette découverte a permis d'établir que l'œil transmettait également de la lumière via un système non visuel. Des études comparatives des systèmes visuel et non visuel ont révélé que la voie de la
mélanopsine
empruntée par la lumière bleue était non seulement responsable de la régulation du système circadien, mais également du système contrôlant la vigilance.
Mémoire, empan mnésique, temps de réaction, vigilance, capacité d'apprentissage et processus cognitifs : toutes ses capacités enregistrent de meilleures performances sous la lumière bleue. En fait, le docteur Lehrl a constaté lors d'une étude en Allemagne une
amélioration immédiate du processus d'apprentissage
, correspondant à une hausse de 5 points du quotient intellectuel.
Dans la première illustration ci-contre, de faibles niveaux de lumière bleue ont provoqué une réaction de l'horloge biologique deux fois plus importante que des niveaux bien plus élevés de lumière blanche. La seconde illustration révèle une augmentation sensible de la vigilance lorsque le système non visuel bleu est stimulé par rapport au système visuel.
Percée scientifique
La découverte du spectre d'action a été accompagnée d'une autre observation importante : le bleu était le même que celui du ciel matinal. Après des décennies et des millions consacrés à la recherche, la conclusion était inévitable : en ce qui concerne notre rythme circadien, notre humeur et notre dynamisme, c'est aux cycles naturels de la lumière du soleil que nous sommes les plus réceptifs.